Loup européen (canis lupus lupus)

Mobilisation pour les loups !

Après la nouvelle réglementation européenne, le décidément mal nommé ministère de la Transition écologique s'attaque aux loups. Tant pis pour l'avis défavorable, à l'unanimité, des membres du Conseil national de protection de la nature et les alertes des associations écologistes...

Après la nouvelle réglementation européenne, le décidément mal nommé ministère de la Transition écologique s’attaque aux loups. Tant pis pour l’avis défavorable, à l’unanimité, des membres du Conseil national de protection de la nature et les alertes des associations écologistes. L’enquête publique qui s’est achevée le 19 décembre a réunit 32 372 contributions.

Sous couvert d’une « mise en cohérence » avec la nouvelle réglementation européenne qui a déjà assoupli le statut de protection du loup, le gouvernement veut prendre un arrêté « définissant le statut de protection du loup (Canis lupus) et fixant les conditions et limites de sa destruction ». Le 3 décembre 2024 en effet, sur proposition de l’Union européenne les États membres de la Convention de Berne ont voté l’abaissement du niveau de protection du loup d’un statut « strictement protégé » à un statut « protégé ». Entrée en vigueur le 7 mars 2025, cette modification doit être intégrée à la législation française.

Il n’en demeure pas moins que le loup reste une espèce protégée. On entend beaucoup les représentants de la FNSEA crier à la « surtransposition » quand il s’agit d’interdire des pesticides cancérigènes. Dans le cas du loup, ils s’en gardent bien et trouvent encore l’arrêté trop mou, même si « les niveaux de prélèvements déjà en vigueur mettent en danger la population lupine française », selon Ferus. Pour cette association nationale, qui a signé avec 213 organisations issues de toute l’Europe et au-delà, une lettre aux ministres de l’Environnement de l’Union européenne demandant aux États membres de ne pas augmenter le nombre d’abattages de loups et de préserver le statut de protection de l’espèce, le gouvernement choisit avec ce projet d’arrêté national « une régulation bien plus intense des loups, voire une chasse au loup, sans garantir l’évaluation indispensable de l’état de conservation de l’espèce (pourtant obligatoire) à l’échelle nationale et locale. »

Le Conseil national de protection de la nature1Le Conseil national de la protection de la nature est une institution qui date de la Libération. Ses 60 membres sont des experts interdisciplinaires et indépendants, reconnus pour leurs travaux, leurs connaissances scientifiques ou techniques dans les domaines des sciences de la vie et de la terre ainsi que des sciences humaines et sociales, qui couvrent les milieux terrestres, fluviaux et marins de métropole et des outre-mers.
Depuis 1946, des réformes successives ont tenté de réduire son rôle. La dernière date de la loi du 8 août 2016, relative à la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, qui a créé à côté du CNPN un Comité national de la Biodiversité, à qui ont été réservées les consultations sur les questions stratégiques liées à la biodiversité.
ne dit pas autre chose, dans un avis rendu à l’unanimité le 19 novembre 2025 par les scientifiques, qui « s’inquiètent vivement de l’évolution actuelle de la politique nationale envers cette espèce » et « invitent solennellement le ministère en charge de la protection de la biodiversité à revoir une telle stratégie, au bénéfice d’une protection renforcée des espèces, de la reconquête de la biodiversité et du rétablissement du fonctionnement écologique des milieux ». Selon eux, « ce projet d’arrêté qui vient traduire le déclassement du loup va ouvrir la porte à la possibilité de tir de loups sur simple déclaration et sans condition sur une grande partie du territoire fréquentée par l’espèce ».

De son côté, le comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), « se montre très préoccupé par le fait que les constats et les nombreuses propositions des associations de protection de la nature et des gestionnaires d’espaces protégés siégeant au sein de ce groupe n’aient pas été entendus ni pris en compte dans les arbitrages du projet de plan national d’action ». Le Comité, pour qui « la priorité devrait être d’atteindre et de garantir à long terme l’état de conservation favorable du loup, avant d’envisager des mesures de contrôle de ses populations », a également dénoncé le déclassement du loup par la Convention de Berne : « Alors que le Comité permanent de la Convention de Berne et l’Union européenne avaient jusqu’ici toujours basé leurs décisions sur la réalité des données établies, ce déclassement sans précédent suscite la préoccupation du Comité français de l’UICN. Cette décision soulève des interrogations sur la place accordée aux connaissances scientifiques dans les décisions relatives à la préservation des espèces, faisant craindre une gestion inefficace pour réduire la prédation sur les troupeaux domestiques et constituant un recul supplémentaire dans les engagements en faveur de la biodiversité. »

Respecter plutôt que détruire

C’est en fait l’esprit même de cet arrêté qui est contestable. Le retour du loup dans notre pays est encore chose récente, et les mesures de protection qui pourraient être mises en place encore plus, mais nous disposons tout de même de quelques années de recul. On commence à comprendre que pour protéger les troupeaux, il faut varier les mesures de protection, d’autant qu’il n’est absolument pas démontré que les prédations des animaux d’élevage par les loups seront moindre si on réduit la population lupine.

Des naturalistes de l’association AVES expliquent par exemple que les loups isolés sont plus enclins à se nourrir des animaux d’élevage parce qu’ils leur est très difficile de chasser des animaux sauvages comme les chevreuil (qu’ils préfèrent aux moutons) en dehors d’une meute. Laisser les meutes se reconstituer pourrait avoir comme effet de réduire les prélèvements dans les prés tout en participant à la régulation des ongulés, dont la population en trop grand nombre peut provoquer des dégâts dans les cultures, mais aussi en forêt.

Si les éleveurs, et c’est compréhensible dans le contexte d’une crise agricole générale qui plonge beaucoup d’entre eux dans la précarité, réclament des solutions immédiates pour protéger leurs troupeaux, les actions de citoyen·nes moins directement concerné·es commencent à produire des effets. Ainsi, dans une décision rendue ce 12 décembre, le Conseil d’État, saisi par l’association Ferus et l’association pour la
protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel (ASPAS), a jugé illégaux les tirs de défense qui avaient été accordés à un éleveur au printemps 2025 dans les Hautes-Pyrénées. En Morvan, l’association Adret Morvan, qui a organisé plusieurs réunions publiques sur le loup réunissant forestiers, éleveurs, écologues et habitant·es, indique qu’elle sera vigilante quant aux décisions qui seront prises par les préfectures des quatre départements bourguignons où elle agit.

Diversifier pour la biodiversité

Que la question du loup finisse devant les tribunaux n’est pas une bonne chose. Il ne peut y avoir d’issue sans s’attaquer aux raisons pour lesquelles des paysans pensent ne pas avoir d’autre solution. D’abord, s’assurer que tout le monde dispose bien des informations, en commençant par une meilleure connaissance des loups et de leur mode de vie. Pendant un siècle, ils ont disparu de nos paysages et ont été trop longtemps montrés comme forcément et uniquement dangereux. Il est donc normal que la connaissance en ait été amoindrie et que beaucoup d’entre nous n’y connaissent rien…

Le cycle annuel du loup (télécharger en pdf)

Mais en attendant que le savoir soit mieux diffusé2La voix rurale s’y emploie à sa mesure, en réunissant des ressources (articles, bibliographie…) qui seront réunis dans un dossier « Loup » à paraître bientôt. N’hésitez pas nous faire parvenir vos références !, comment s’en sortir quand on n’élève des moutons uniquement pour produire de la viande (du lait marginalement) et que celle-ci est mise en concurrence avec une production venue des antipodes où il n’y a pas de loup et bénéficiant d’avantages douaniers ? Comment expliquer l’augmentation des prix résultant des mesures de protection aux gens qui voudraient bien consommer français mais sont de plus en plus limités financièrement ?

La première question se règle au niveau national et européen et dépend donc du vote de tou·tes les citoyen·nes, qui pourraient prendre en compte les programmes agricoles des partis politiques, s’iels sont sensibles au sort des agriculteur·ices. Il est aussi possible d’agir à un niveau plus local : par l’aménagement du territoire, en reconstituant des naturels milieux favorables aux animaux chassés par les loups, en aidant aussi les éleveurs ovins à diversifier leurs productions par exemple en reconstituant une filière laine digne de ce nom…

Auteur/autrice

  • Artiste, paysanne, engagée pour la défense de la ruralité, de la forêt et pour la 6e République.

Notes :
  • 1
    Le Conseil national de la protection de la nature est une institution qui date de la Libération. Ses 60 membres sont des experts interdisciplinaires et indépendants, reconnus pour leurs travaux, leurs connaissances scientifiques ou techniques dans les domaines des sciences de la vie et de la terre ainsi que des sciences humaines et sociales, qui couvrent les milieux terrestres, fluviaux et marins de métropole et des outre-mers.
    Depuis 1946, des réformes successives ont tenté de réduire son rôle. La dernière date de la loi du 8 août 2016, relative à la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, qui a créé à côté du CNPN un Comité national de la Biodiversité, à qui ont été réservées les consultations sur les questions stratégiques liées à la biodiversité.
  • 2
    La voix rurale s’y emploie à sa mesure, en réunissant des ressources (articles, bibliographie…) qui seront réunis dans un dossier « Loup » à paraître bientôt. N’hésitez pas nous faire parvenir vos références !