caddie vide dans un supermarché

10 septembre : Macron a déjà tout bloqué

Que reste-t-il à bloquer ? À force de nous serrer la vis, ce sont nos vies qui sont bloquées. La seule chose qui fonctionne furieusement bien, c'est la finance, gavée en creusant la dette sociale et écologique. La population est épuisée, la planète aussi. Le 10 septembre, c'est en fait la coupure d'urgence des échanges économiques qui alimentent la machine à tout détruire.

Que reste-t-il à bloquer ? À force de nous serrer la vis, ce sont nos vies qui sont bloquées. La seule chose qui fonctionne furieusement bien, c’est la finance, gavée en creusant la dette sociale et écologique. La population est épuisée, la planète aussi. L’appel à tout bloquer le 10 septembre, c’est la coupure d’urgence des échanges économiques qui alimentent la machine à tout détruire.

La première victoire déjà acquise : la simple annonce de l’ampleur de la mobilisation pour le 10 septembre a obligé le gouvernement à consulter les représentant·es du Peuple à l’Assemblée nationale sur sa politique. Voilà qui nous change du 49.3 et fort logiquement, le gouvernement Bayrou est tombé, mais de l’avis général, c’est loin d’être suffisant et si cette chute était destinée à couper l’herbe sous le pied du mouvement, c’est complètement raté.

Plus personne en effet à part le PS, premier comme d’habitude pour la course à la gamelle, n’imagine que la nomination d’un huitième Premier ministre de Macron en huit ans résoudra la crise. Nommer Faure ou un autre représentant de ce parti à Matignon ne consisterait qu’à tenter de rejouer la fable du « en même temps », à laquelle une grande partie du PS s’était déjà ralliée dès 2017, en pire. Du « mon ennemi, c’est la finance » au programme du NFP, en passant par celui de la Nupes, le PS a tellement trahi que le mot confiance accolé à son sigle paraît au mieux incongru.

Si 80 % des gens sont opposés à la réforme des retraites, ce n’est pas pour en avaler une version à peine édulcorée. Fermer à moitié la saignée, comme le PS l’a proposé avec son budget, c’est toujours saigner plus pour gaver la finance. Dans un pays où les 500 plus riches ont déjà doublé leur fortune et où la pauvreté explose, une goutte de plus serait une goutte de trop. Trop de gens ont pris conscience que dans le contexte de l’urgence sociale et écologique déjà installé par des choix budgétaires similaires, un renoncement supplémentaire risque, pour chacun·e d’entre nous, de faire la différence entre vivre et mourir faute d’urgences médicales, manger ou crever de faim quand le salaire ne suffit plus à faire les courses.

Une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale ? Elle ne ferait que prolonger la crise et ne changerait rien à la capacité d’Emmanuel Macron de nommer un ou une nouvelle Premi·ère ministre avec une politique ressemblant à celle de Bayrou comme deux gouttes de ruissellement. Bien avant que les réseaux sociaux ne résonnent du mot d’ordre « Bloquons tout », l’économie française était déjà bloquée. Les investissements privés sont en panne depuis la dissolution de l’année dernière. Qui voudrait investir dans un tel contexte d’instabilité ?

Si l’extrême-droite réclame la dissolution, c’est parce qu’elle espère cette fois-ci arriver en tête, à la faveur du chaos et en le mettant comme la macronie sur le dos des victimes, d’autant qu’elle y contribue en votant main dans la main avec elle à l’Assemblée nationale.

Un an seulement après la dissolution, il n’y a aucune raison pour que le résultat d’un nouveau vote dégage une majorité claire. Les sondages, comme d’habitude, placent le RN gagnant. Il l’ont déjà fait il y a un an avec le résultat que l’on sait : c’est le NFP qui est arrivé en tête au niveau national, malgré la présence du PS dans la coalition. Celui-ci ayant renié le programme du NFP à peine ses député·es élu·es, ce serait même l’occasion de reprendre des circonscriptions à l’extrême-droite, comme par exemple dans la Nièvre, où l’investiture donnée au PS a permis au RN de gagner un siège en 2024, mais au niveau national, il y a de fortes chances pour que la répartition nationale des sièges soit à peu près la même.

Ce n’est donc pas une grise gouvernementale, ce n’est pas une crise parlementaire, c’est une crise de régime. Même les médias de masse conviennent que Macron est désormais « en première ligne ». Au minimum donc, c’est le départ du Président de la République que les acteur·ices du blocage du 10 septembre et leurs soutiens veulent obtenir, mais pas seulement eux. Même le président de l’association des maires de France s’est prononcé pour le départ d’Emmanuel Macron. Problème : Macron a déjà annoncé qu’il entendait finir son mandat. Si le mouvement est suffisamment large, il n’est pas impossible qu’il soit tout de même contraint à la démission, voire destitué.

La France insoumise a en effet déposé ce 9 septembre une motion de destitution du Président de la République. Ce sera la troisième. La dernière, il y a un an, n’a pas été mise à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale : c’est Marine Le Pen qui s’y est opposée en conférence des présidents, preuve s’il en fallait que l’extrême-droite s’accommode fort bien d’Emmanuel Macron. Cette fois, les insoumis sont rejoints des député·es des groupes Écologistes et GDR qui ont signé le texte, mais c’est une majorité des deux-tiers des parlementaires qui est nécessaire pour aboutir.

Le blocage économique et social, c’est Macron, mais le blocage démocratique, ce sont bien les institutions de la 5e République, qui permettent à un homme seul de décider de la vie de 67 millions de personnes et d’imposer une politique dont l’immense majorité ne veut pas, après avoir été élu non pas sur un programme, mais en annonçant qu’il s’agissait de « faire barrage » à une extrême-droite dont lui et ses affidés reprennent le langage et les orientations, jusqu’à risquer la santé de toute la population, comme en témoigne encore le dernier acte de Bayrou : un décret pour restreindre l’aide médicale à ceux qui n’ont pas la nationalité française alors que, de l’avis de tous les professionnels de santé, faute de prise en charge, il existe un risque de propagation des maladies.

Dans le cadre actuel de nos institutions, beaucoup des revendications du mouvement du 10 septembre, après celles des Gilets jaunes, ne peuvent s’inscrire dans le cadre constitutionnel actuel. Une nouvelle élection présidentielle ne doit donc pas être une fin, mais une étape avant une constituante pour passer à la 6e République.

Auteur/autrice

  • Artiste, paysanne, engagée pour la défense de la ruralité, de la forêt et pour la 6e République.